Renoncule âcre

Ranunculus acris L.

Caractéristiques :

Originaire d’Asie mineure et d’Europe continentale et septentrionale, la Renoncule âcre s’est naturalisée dans de nombreuses régions du monde dont l’Amérique du Nord. Elle affectionne les prés, les pâturages, les bois, les gazons et les bords de chemin ensoleillés ou mi-ombragés dans un sol frais voire humifère. On l’a surnommée « Bassinet », certainement pour la forme concave de sa fleur, ou bien encore « Pied de coq » pour la forme de sa feuille profondément découpée en lobe incisés à bords dentés avec un limbe souvent taché de rouge à la base.

Cette vivace à croissance rapide peut atteindre 1 m de hauteur dans son milieu naturel et fleurit à partir de la fin du printemps en développant des fleurs en forme de petite coupe possédant 5 pétales d’un jaune d’or éclatant munis d’écailles nectarifères et de nombreuses étamines. Assurant sa pollinisation par l’intermédiaire des insectes (entomogamie), la Renoncule âcre est une importante source de pollen et de nectar pour de nombreux insectes jusqu’à la fin de l’été.

Genre :

Ranunculus L.

Très diversifié, le genre botanique Ranunculus – publié par Carl Linné dans son ouvrage Species Plantarum en 1753 – comprend environ 1 700 espèces d’annuelles, bisannuelles et vivaces herbacées réparties sur quasiment toute la planète (Kew, 2023). L’étymologie latine du genre (rana signifiant grenouille) fait allusion au biotope humide et même aquatique de certains de ces végétaux comme la Grande douve (Ranunculus lingua). Genre d’une grande plasticité, certaines espèces poussent en haute montagne comme la Renoncule alpestre (Ranunculus alpestris) ; d’autres, comme la Renoncule d’Asie (Ranunculus asiaticus), sont tubéreuses et nécessitent une période de repos au sec durant l’été.

Usages :

Ornemental

Très rustique et d’une grande robustesse, la Renoncule âcre attire par la brillance de ses fleurs jaunes luisantes, dorées et lustrées qui lui ont donné le surnom de « Bouton d’or » – à l’instar de la Ficaire (Ficaria verna) et d’autres renoncules jaunes. Fleurissant dès les beaux jours du printemps – elle est surnommée « Cocu » car les premières fleurs apparaissent au moment où le Coucou gris commence à chanter – jusqu’au début de l’automne, ce Bouton d’or a été décliné dans une variété à fleurs doubles en forme de rosette (var. Flore Pleno) et dans différentes nuances de jaune (var. Farrer’s Yellow).

Médicinal

La plante entière est âcre (acris) et rubéfiante. D’anciennes pratiques utilisaient le suc des feuilles et la sève pour soigner les verrues, les fleurs écrasées et appliquées pour faire disparaître les cors au pied, ou encore la racine en cataplasme pour se débarrasser des furoncles et des abcès. Dans sa Flore populaire (1896), Eugène Rolland rapporte de Côte d’Or un usage détourné. Pour échapper à la conscription, les jeunes gens se faisaient au moyen de compresses de « Piépou » (Ranunculus acris) des ulcérations dangereuses qu’ils gardaient quelquefois toute leur vie. Heureusement, un antidote à base de feuilles de Bouillon blanc (Verbascum thapsus) permettait de guérir les plaies.

Alimentaire

Les fleurs ont servi à colorer et décorer le beurre pour le rendre plus alléchant. Au Danemark, les ménagères qui voulaient avoir du beurre bien jaune en été devaient mettre dans le pot au lait les trois premières fleurs de renoncule qu’elles trouvaient au printemps. Une autre pratique rapporte que « si en touchant le menton de la ménagère avec une renoncule, il y reste des traces jaunes, elle réussira son beurre dans le courant de l’année » (Rolland, 1896). Dans le Briançonnais, la renoncule âcre était surnommée « Erbo de buri » (Herbe du beurre). On utilisait la fleur pour orner le beurre, surtout le jour de la Saint-Jean (24 juin). Ce rapport entre le Bouton d’or et le beurre persiste dans le nom commun anglais de la plante : « Buttercup ».

Folklorique

Afin d’écarter les enfants de cette plante attrayante mais caustique, on leur faisait croire que s’ils touchaient le Bouton d’or ou le portaient à la bouche, les poulets et jeunes oies de la maison périraient (Cher) ou les feraient uriner au lit (Liège, Belgique).

Chronobiologie :

La floraison matinale de la Renoncule âcre peut se prolonger tardivement jusqu’à la tombée du jour. Dans son ouvrage The Natural History of Plants (1895), le botaniste autrichien et pionnier de la phytosociologie Anton Kerner von Marilaun consigne le résultat de ses recherches sur les mouvements végétaux. Dans le prolongement des travaux du naturaliste Carl Linné, il décide à son tour d’établir une « Horloge de Flore » calée sur la position géographique d’Innsbruck en Autriche. Après d’attentives observations, il mentionne l’ouverture florale de la Renoncule âcre qui se manifeste précocement entre 6h et 7h, suivie de sa fermeture entre 19h et 20h (juillet). Il ajoutera à sa liste plusieurs autres espèces de la même famille botanique, dont deux anémones vernales : l’Anémone pulsatille (Anemone pulsatilla) et l’Anémone de Printemps (Anemone vernalis), qui sortent régulièrement de leur sommeil matinal entre 10h et 11h puis referment leurs inflorescences entre 17h et 18h.

Extrait littéraire :

« Au sein d’une prairie où mille et mille fleurs

Étalaient à l'envi leurs brillantes couleurs,

Se dressait avec grâce et se groupait en gerbe

De riches boutons d'or une touffe superbe.

Frais, coquets, gracieux, rutilants au soleil,

Et sans cesse brillants d'un éclat sans pareil,

Nos boutons d'or, admirés à la ronde,

Captivaient les regards et charmaient tout le monde :

Pour eux on laissait de côté

Les autres fleurs, leur grâce et leur beauté :

Aussi les pauvres fleurs enviaient en silence

De leurs heureux voisins la brillante existence ; »

J.-B. Brossard, Les Boutons d’or et le Pissenlit, fable, 1872

Herborisation :

Crédits photos :

Première image:

Hans Roelevink (licensed under http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/)

Seconde image:

Joseph Witry, Ranunculus acris, Luxembourg, 15 avril 1934

Musée national d'histoire naturelle Luxembourg, CC BY 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/4.0>, via Wikimedia Commons